Espace d’art contemporain La BF15, Hessie, art-silencieux, exposition jusqu’au 28 mai 2016. Le journal n’en disait pas plus. Je n’avais jamais entendu parler d’art-silencieux et ces quelques mots ont suffi à attiser ma curiosité.
Hessie est une vieille dame. Elle me parle tout bas, le regard ailleurs. Son visage dégage beaucoup de douceur. Cette même douceur est présente dans chacune de ses réalisations. Je l’imagine broder avec patience et minutie.
Pourquoi parlez-vous d’art-silencieux ? Car au fond, un tableau, une œuvre d’art est toujours silencieuse, non ?
Ma question, un peu naïve peut-être, l’a faite sourire. Elle se contente d’acquiescer. Mais j’insiste, pourquoi ce silence ? L’artiste vit à Hérouval, dans la région Picardie. Elle habite dans une maison reculée et silencieuse qui est aussi son atelier. Son art, c’est un peu la représentation de son monde à elle : « une façon de représenter le monde, ce n’est pas la seule ». Elle travaille donc en silence : « ça m’apaise » me confie-t-elle.
Née en 1936, de nationalité Monténégrine et d’origine cubaine, Hessie s’installe en France en 1962. Elle s’inscrit dans un mouvement féministe qui vise à faire reconnaître le travail des femmes sur la scène artistique française. Elle réalise ses premières œuvres au cours de l’année 68. Le travail qui est exposé à la galerie BF15 date des années soixante-dix à quatre-vingt.
Ces œuvres poétiques sont réparties dans trois salles. Dans la première, quelques unes extraites de la série « grillage ». Dans la suivante, une projection et une simple feuille grise où le mot « silence » est perforé. Dans la dernière, des broderies de couleurs dont deux de la série intitulée « végétations ».
L’artiste travaille sur de grandes toiles de coton couleur crème, achetées au mètre puis découpées, assemblées. Des motifs minimalistes recouvrent le tissu. Derrière ces broderies, un geste simple et répété se dessine. Parfois de la couleur mais pas toujours, « la couleur vient après ».
Les motifs de chaque toile sont tous uniques. Ils se répètent à l’infini, avec obstination. Ils s’accrochent. Le spectateur les regarde sans jamais se fatiguer. C’est justement cette répétition qui donne de la force au travail de l’artiste aux matériaux à l’apparence pourtant si fragiles. Du fil, de la toile… des matériaux naturels, ces broderies donnent l’image d’une alliance singulière avec la nature. Lorsque je la questionne au sujet du choix des motifs, elle me répond : « ce sont plutôt les motifs qui viennent à moi et non l’inverse ». Bien que certains titres soient assez évocateurs, comme les toiles nommées « grillages », l’artiste ne cherche pas particulièrement à représenter quelque chose. L’inspiration et le mouvement fusionnent et l’œuvre se construit petit à petit.
L’espace d’art se trouve Quai de la pêcherie, vue sur la basilique de Fourvière, à deux pas de l’hôtel de ville. Profitez des beaux jours pour faire une petite escale et découvrir son art.
Un grand merci à Hessie et Yanitza, sa fille, pour cette belle rencontre.